
Des manifestants malgaches érigent une barricade, à Antananarivo le 3 octobre 2025 ( AFP / RIJASOLO )
Le président Andry Rajoelina a assuré que les manifestations en cours à Madagascar visent à "provoquer un coup d'Etat", les jeunes manifestants qui le défient ayant maintenu la pression dans la rue vendredi au prix de nouveaux heurts avec les forces de l'ordre.
L'île particulièrement pauvre de l'océan Indien est le théâtre depuis le 25 septembre d'un mouvement de protestation qui dénonçait au départ les coupures incessantes d'eau et d'électricité et s'est mué depuis en une contestation plus large du pouvoir en place et notamment du chef de l'Etat.
Selon le président, la jeunesse mobilisée depuis le début du mouvement, et regroupée notamment au sein du groupe Gen Z très actif sur les réseaux sociaux, serait manipulée par des acteurs malgaches et étrangers qu'il n'a pas identifiés.

Des forces de sécurité malgaches se déploient lors des manifestations à Antananarivo le 3 octobre 2025 ( AFP / RIJASOLO )
"Des pays et agences ont payé ce mouvement pour m'évincer, pas par des élections, mais par profit, pour prendre le pouvoir comme dans d'autres pays africains", a-t-il assuré lors d'une allocution. "Notre pays est victime d'une cyberattaque, d'une manipulation de masse", a-t-il dit.
Un premier bilan de l'ONU établi lundi fait état de 22 morts et de centaines de blessés dans la répression des manifestations et les violences ayant éclaté lors de pillages généralisés, "perpétrés par des individus et des gangs sans lien avec les manifestants". Des chiffres contestés par la ministre des Affaires étrangères malgache.
Celle-ci est est allée plus loin que le président en évoquant vendredi une "cyberattaque massive associée à une campagne de manipulation numérique ciblée, d'une ampleur sans précédent".

Les forces de l'ordre se déploient dans un quartier d'Antananarivo en prévision d'un nouvel appel à manifester dans la capitale malgache, le 3 octobre 2025 ( AFP / RIJASOLO )
"Selon les analyses de nos services spécialisés, cette opération a été pilotée initialement depuis l'étranger par une agence aux moyens technologiques avancés", a-t-elle affirmé sans présenter les analyses en question.
Andry Rajoelina, 51 ans, a aussi accusé des hommes politiques malgaches de tirer désormais les ficelles de la contestation. "C'est après que le mouvement (de la jeunesse, Ndlr) a démarré que des politiciens ont abusé de cette situation pour mener un coup d'Etat et arriver à leurs fins et détruire le pays."
Andry Rajoelina s'est dit prêt à dialoguer et a demandé aux forces de l'ordre de "faire revenir la paix".
- Discours "insensé" -

Des manifestants se tiennent près d'une barricade de fortune le 3 octobre 2025 à Antananarivo ( AFP / RIJASOLO )
Le chef de l'Etat n'a pas annoncé la nomination pourtant attendue d'un nouveau Premier ministre, après avoir limogé l'ensemble du gouvernement lundi pour tenter, sans succès, d'apaiser la colère des manifestants.
Vendredi, la capitale a de nouveau vécu au son des détonations des grenades lacrymogènes tirées par les forces de l'ordre contre les manifestants, notamment dans les quartiers de Mahamasina et Andravohangy, pour les empêcher de progresser vers leur lieu de ralliement.
Des rassemblements ont été aussi été rapportés par les médias locaux dans les grandes villes de Mahajanga (nord), Toliara (sud) et Fianarantsoa (centre).
Le collectif Gen Z a critiqué dans un communiqué le discours "insensé" de Rajoelina: "vous blâmez ceux-là mêmes que vous prétendez aussi inviter à un dialogue".
Déplorant la violence de la répression et le "sang versé", le collectif a réitéré ses exigences posées plus tôt dans la journée: être "consulté dans le processus de nomination du futur Premier ministre" et obtenir un délai supplémentaire de quatre jours pour cette nomination.
Le collectif appelle en outre à l'ouverture d'une enquête internationale sur les "abus" des forces de l'ordre lors des manifestations.
Plusieurs syndicats, dont celui de la société nationale de distribution d'eau et d'électricité, ont appelé ces derniers jours à la grève générale.
Les syndicats des agents pénitentiaires et des douanes leur ont emboîté le pas vendredi, pour une grève de "trois jours". "Si les douanes sont en grève, ça peut mettre le pays à l'arrêt", estime à l'AFP un entrepreneur ayant requis l'anonymat.
L'opposition, dans une rare prise de position commune, avait aussi demandé mercredi le départ du chef de l'Etat, ancien maire d'Antananarivo et magnat des médias.

Les forces de l'ordre alignées à l'approche d'une manifestation à Antananarivo le 3 octobre 2025 ( AFP / RIJASOLO )
Installé une première fois au pouvoir par les militaires en 2009 à la suite d'un soulèvement populaire, Andry Rajoelina avait présidé une période dite de transition jusqu'en 2014. Il s'était ensuite mis en retrait avant de se faire élire en 2018 et réélire en 2023 lors d'un scrutin boycotté par l'opposition.
Malgré ses immenses ressources naturelles, Madagascar, ancienne colonie française devenue indépendante en 1960, figure encore parmi les pays les plus démunis au monde. En 2022, près de 75% de sa population vivait sous le seuil de pauvreté selon la Banque mondiale.
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